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Lire Jung au GERPA

Invité : Giovanna GALDO

2020/09 - Septembre

Le propos

Giovanna Galdo, psychanalyste jungienne, est membre de la SFPA (Société française de psychologie analytique) et de l'IAAP(Association internationale de psychologie analytique). Elle est présidente de l'association Lire Jung au GERPA;

Comment peut-on lire Jung en intégrant, tout au long d'une année, un collectif de découverte et de recherche ? Au GERPA... et depuis 1968. Et aujourd'hui, Lire Jung au GERPA, continue à offrir un cadre avec des petits groupes de lecture animés, chacun, par un.e psychanalyste.

Giovanna Galdo nous présente aussi ses réflexions sur la fonction paternelle, sur la crise de repère et les bouleversements majeurs de nos environnements contemporains où les principes masculin et féminin se reconfigurent sous nos yeux et dans nos vies.

Des phrases clés

« C’est au GERPA que j’ai commencé mon parcours jungien … Je suis d’origine italienne et suis venue en France après ma maîtrise de lettres pour faire une formation doctorale en psychologie et psychanalyse … J’avais découvert Freud et Lacan et j’avais été fascinée par cet univers psychanalytique et voulais continuer dans cette voie … Un ami m’a offert un livre de Jung - Le fripon divin … Un autre ami m’a parlé de son analyste jungienne et m’a offert un autre livre – Jung, son mythe en notre temps – écrit par Marie-Louise von Franz … Un autre univers s’est ouvert à moi. »

« J’ai suivi les conférences du Groupe Jung qui se tenaient à l’époque rue Las Cases à Paris et où intervenaient, parmi tant d’autres, Pierre SOLIÉ et Michel CAZENAVE … De fil en aiguille, j’ai découvert le GERPA qui proposait des groupes de lecture pour non spécialistes. »

« Toute personne peut venir lire Jung au GERPA … On lit Jung mais pas seulement, aussi les continuateurs de l’œuvre de Jung et aussi des auteurs non jungiens … Nous demandons un entretien (gratuit) de motivation avec un.e psychanalyste avant la première inscription … Nous proposons chaque année 6 à 8 groupes qui portent sur des sujets différents mais, systématiquement, il y a un groupe d’initiation à la pensée jungienne. Un groupe comprend de 6 à 12 personnes maximum pour qu’il puisse y avoir une véritable discussion. Les groupes sont toujours pilotés par un.e psychanalyste. La discussion est libre et animée. »

« Le GERPA a été créé en 1968 … A son origine, il y a eu un groupe de médecins, de neuropsychiatres, de psychologues dont certains avaient pu connaître Jung et le rencontrer personnellement … Ces personnes souhaitaient deux choses, connaître davantage l’œuvre de Jung et discuter avec des collègues, mais surtout introduire les concepts issus de la théorie jungienne dans leurs pratiques … Les objectifs étaient la discussion, la recherche et une motivation clinique très précise au départ … Au départ, ces personnes n’étaient pas plus d’une dizaine et l’année d’après, ces personnes ont créé la SFPA en 1969 et ils ont demandé l’affiliation à la société internationale, l’IAAP … Et quelques années plus tard, ils ont créé l’Institut Jung, l’institut français préposé à la formation des futurs analystes jungiens. »

« En 1968, peu d’œuvres de Jung étaient traduites en français et la psychanalyse était essentiellement Freudo-Lacanienne.»

« Lire Jung au GERPA … La lecture implique la solitude et la proximité, implique la pensée et l’émotion, la subjectivité et l’altérité ; la lecture est monologue et dialogue à la fois ; et la lecture invite au temps de la réflexion. »

« Le dialogue avec l’inconscient est toujours de l’ordre de l’improvisation. »

« L’inconscient se propose, s’impose à nous … Dans cet inconscient, souvent, il y a des tonalités sombres, ce que Jung appelle l’ombre, tout ce que nous avons oublié ou que nous ne savons pas encore … Et il y a aussi une tonalité lumineuse, légère. »

« LA FONCTION PATERNELLE. Je souhaitais réfléchir aux grandes tendances de notre psyché collective et de nos sociétés actuelles occidentales ; aux bouleversements majeurs qui sont en train de se produire et à l’impact que ces bouleversements, que ces modifications culturelles ont sur la psyché individuelle … Il est évident que nous vivons l’effondrement des valeurs collectives traditionnelles, la famille, la religion, la patrie etc … Cela s’est toujours produit ; toutes les cultures, même les plus brillantes, n’ont vécu qu’un temps … A cela, rien d’extraordinaire, toutefois le moment de passage peut être très long, des décennies voir des siècles, pour parvenir à autre chose … et ce moment de transition n’est jamais indolore, tout comme l’évolution psychique individuelle … Au niveau individuel, parmi les ressentis les plus fréquents, il y a un sentiment de perte des repères et un sentiment de vide … La disparition de l’autorité paternelle n’est pas, de mon point de vue, le fruit du hasard … D’où l’intérêt de revenir à ce que Jung appelle la Fonction paternelle. »

« L’archétype du Père pour Jung n’est pas que l’autorité mais c’est aussi la possibilité de s’ouvrir à autre chose en le questionnant. »

« Pourquoi parler de la Fonction paternelle plutôt que du Père ? Cette possibilité de se positionner, de se confronter, de dialoguer, d’assumer des responsabilités, concerne tous les humains, pas que les êtres de sexe masculin et pas que les pères … Cette nécessité concerne les hommes ET les femmes, même si pendant des siècles et des millénaires, les femmes n’ont pas été considérées comme des humains à part entière et qu’on a considéré qu’elles n’étaient pas faites pour penser, pour réfléchir. »

« Cette Fonction paternelle que chaque être humain se doit d’activer et de vivre … Le besoin de parvenir à ses propres valeurs conscientes. »

« Comment être Fils dans une société qui a effacé le Père ? Y-a-t-il un besoin de Père ? Oui, bien sûr, si le Père est un repère. Et que veut dire l’état de Fils d’un point de vue psychologique ? »

« Bien que le Jeune soit aujourd’hui au centre de nos familles et de nos sociétés, parfois même malades de jeunisme, ce que la clinique nous montre est bien une souffrance liée au sentiment de solitude, de manque, voire de vide, d’où une construction difficile de son sentiment d’identité, et des tentatives de compensation et des conduites addictives … Dans nos cabinets, nous avons des formes de souffrance qui sont différentes de celles qu’on pouvait avoir il y a 50 ans, il y a 40 ans ou à l’époque où Freud et Jung ont vécu … Aujourd’hui, c’est beaucoup plus le vide, l’absence de repères et donc le développement des conduites addictives (boulimies, drogues, jeux, addictions aux écrans …) qui tentent de remplir le vide. »

« Construire son Père intérieur … Comment se sortir de ce vide et trouver ses propres repères intérieurs et construire se propre identité, ses propres valeurs … Comment savoir se positionner … Dans le « Savoir se positionner par rapport aux autres », il n’y a pas qu’un problème de volonté ou de valeurs conscientes et morales … S’ouvrir réellement implique de vivre son émotivité et d’accepter l’émotion suscitée par la rencontre, par la confrontation … »

« Traditionnellement, on a séparé la Pensée, le Logos, du côté du Masculin et l’Emotion du côté du Féminin … Vivre l’émotion est quelque chose de très difficile aussi bien pour les hommes que pour les femmes parce que s’ouvrir réellement à l’autre, ça peut être effrayant … C’est d’autant plus vrai que, dans nos sociétés occidentales, il existe depuis fort longtemps un clivage très net entre les valeurs masculines et les valeurs féminines, et, tant qu’on reste dans ce clivage, le dialogue avec soi-même et avec l’autre reste difficile. »

« Ne pas relayer l’émotion au rang de parent pauvre de la pensée. »

« Pour Antonio DAMASIO, l’émotion a une fonction de cognition très importante. La réponse émotionnelle à un événement est un premier positionnement de l’individu face à un événement quel qu’il soit … L’émotion est un indicateur formidable de l’événement qui est en train de se produire … Si on se prive de son émotion, on ne sait plus où on en est et on ne sait plus juger. »

« Garder l’ouverture à ce qui est différent. »

« Dans un parcours personnel, il est très important de pouvoir se différencier de ce que mon Père ou ma Mère pensent, ont pensé, ont souhaité … et de vivre cette forme de trahison émotionnelle … Ce sentiment de différenciation (au sens positif) ne peut pas se faire sans ce sentiment d’abandon ou de trahison (au sens négatif). »

« Le dialogue entre des voix différentes, c’est le fil rouge de ce que Jung a appelé le « processus d’individuation », qui nous demande de nous confronter à l’altérité, à ce que les autres ont prévu pour nous, à ce qu’il y a d’inconnu en nous pour parvenir à quelque chose de beaucoup plus conscient et assumé … Ces deux voix sont les valeurs conscientes (ce qu’on a appelé le masculin) et les valeurs émotionnelles (ce qu’on a appelé le féminin). »


Conseils de lecture

C.G. JUNG, Son mythe en notre temps par Marie-Louise von Franz - Editions Buchet Chastel

Le fripon divin par C.G. JUNG, Charles KERENYI et Paul RADIN - Editions GEORG

Site de Lire Jung au GERPA https://www.gerpa-cgjung.com

L'erreur de Descartes par Antonio DAMASIO - Editions Odile Jacob