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Le dialogue de Jung avec les hommes d’église et théologiens

Invité : Bertrand EVENOJean-Paul MORLEY

2023/01 - Janvier

Le propos

Bertrand Eveno, éditeur du fac-similé du Livre rouge de Jung en français, et Jean-Paul Morley, pasteur de l’Eglise protestante unie de France, revisitent le riche dialogue que Jung a entretenu, tout au long de sa vie, avec les hommes d’église et les théologiens.

La conférence, que Jung donna en 1932 devant des pasteurs réunis en Conférence pastorale à Strasbourg, sert de guide à l'échange. Ce texte est extrait du livre intitulé "La guérison psychologique" et édité par Georg.

Des phrases clés

« Jung est psychanalyste à 100% … mais il a le souci d’avoir une pensée élargie à l’histoire des société humaines et à l’histoire des représentations religieuses et des fois religieuses dans l’humanité … Il a consacré énormément de temps et d’énergie, au fur et à mesure où son âge avançait, à discuter et échanger par correspondance avec des théologiens, avec des praticiens catholiques, protestants et orthodoxes, ou des athées … Il a cherché à approfondir la question religieuse. »

« On peut saluer le courage de la conférence pastorale de Strasbourg en 1932, d’aller chercher quelqu’un comme Jung pour s’adresser aux pasteurs qui étaient là. »

« L’homme moderne – et beaucoup de nos contemporains – souffrent profondément d’avoir été coupés d’une religion vivante et de ne plus pratiquer une religion vivante. Pour Jung, il est donc essentiel de voir comment recouvrer une santé psychique par une « repossession » de la fonction religieuse : c’est là où Jung se déclare médecin de l’âme, avec les inquiétudes ontologiques, métaphysiques et religieuses de l’âme. »

« Le psychanalyste peut creuser dans l’âme car il a des méthodes ; le pasteur protestant ne va pas oser mais va essayer de consoler la personne qui est en face de lui et lui apporter une réponse par le pardon de Dieu … Aujourd’hui, pour certains pasteurs, il est possible de s’autoriser à creuser jusqu’à ce qui fait mal, avec les risques que Jung cite lui-même. »

« Se tenir debout, en s’acceptant soi-même avec ses failles, se savoir accepté par Dieu tel que l’on est … j’affirme que ça aide, je l’ai vécu … J’aimerais que les pasteurs osent – c’est risqué, Jung le dit aussi - accompagner jusque là, jusqu'à la faille, car le pasteur peut vraiment aider, délivrer … Une fois que l’on est arrivé jusqu’au fond, il me semble que le pasteur peut dire : Dieu pardonne … »

« Aller au plus profond, oser aller au plus profond, cela fait partie exactement de ce que dit Jung. »

« L’homme contemporain refuse d’être conduit, reconduit dans des voies asséchées … Jung dit d’aller chercher plus profond, plus vrai pour trouver quelque chose d’essentiel au fond de soi, au fond de l’individu … quelque chose qui ressemble à la volonté divine aussi, une parcelle qui, parce qu’elle est authentique, peut aller réveiller dans l’âme sa fonction religieuse, soit sous une forme polythéiste qui est sa forme spontanée, soit sous sa forme monothéiste avec, pour Jung le concept de SOI, qui est, pour lui, une forme proche de la figure du Christ et de Dieu le père. »

JUNG : « Les moyens psychiques guérissent et sont au moins aussi agissants que des extraits glandulaires... Une explication appropriée par exemple ou un mot de consolation peuvent obtenir un effet de guérison… les mots n’agissent que parce qu’ils transmettent un sens ou une signification : c’est là que réside le secret de leur efficience. »

« Quand on a devant soi une personne qui souffre, on est tenté de la consoler, dire que ça va bien quand même, que ça ira mieux demain, que la personne est pardonnée et aimée … Si ce n’est pas incarné, à mon avis, cela ne sert à rien et la personne repart sans avoir reçu beaucoup de guérison … Chacun est insatisfait de lui-même, a une faille, est divisé à l’intérieur de lui-même et le pasteur aussi … Donc, peut-être le pasteur a-t-il le droit de s’enfoncer aussi dans la faille de souffrance, d’insatisfaction, de jugement, de culpabilité … Que la personne se sache connue comme étant fautive … Et alors, à cet endroit-là, la personne peut entendre qu’elle est pardonnée et acceptée … Elle peut s’aimer et, alors, elle peut aimer … C’est la voie d’une cure d’âme. »

« Dans l’analyse … la question soulevée est : quel est mon mythe personnel ? Qu’est ce que je dois faire sur cette terre ? Jung pense que tout homme peut répondre à cette question, à condition d’aller chercher au plus profond de lui-même … Pour Jung, on trouve son mythe personnel dans l’introversion, assistée ou non par un pasteur ou un psychanalyste. Cette démarche permet de rendre conscient le mythe réel que l’on porte en soi … Cela est très contradictoire avec le monde contemporain où tout doit être très rationnel … Or la raison critique appauvrit et n’est pas très favorable pour trouver son mythe personnel … Une fois qu'il a découvert son mythe personnel, l’homme peut réunifier sa personnalité en acceptant l’ombre et peut trouver une réunion psychique profonde. »

« Le culte est un processus, c’est même une aventure. La liturgie a évolué, maintenant un culte commence par l’accueil et l’annonce de la Grâce qui est première … Demander le pardon avec des mots qui puissent toucher les personnes … Puis, la Grâce annoncée peut alors être confirmée et elle est prête à nous renouveler ... Pas besoin de rappeler une loi … Puis, il y a la lecture, la prédication et la prière d’intercession qui est la prière pour autrui et en partage. »

« Ce qui me frappe, c’est l’incapacité à fournir des images … Jung insiste sur le fait qu’avoir son propre mythe, c’est passer par les images. »

« Jung a lancé le germe du mouvement des Alcooliques Anonymes. »

« L’intégration du moche pour faire du beau … Ecouter les voix éraillées, non belles, maladives par moment … C’est très jungien, l’intégration de l’ombre, de l’ombreux, du moche, du mauvais … et, en prenant dans le bon sens du poil le très-moche, on peut faire du très-beau. »

JUNG : « Parallèlement à la décadence de la vie religieuse, le nombre des névroses va croissant… nous vivons dans une époque de hâte, de nervosité, d’activité plus ou moins désordonnée et de notable désarroi pour tout ce qui touche aux conceptions du monde. »

« Le déclin des églises est dramatique parce que les églises et la spiritualité ont des réponses à la souffrance personnelle. La force des églises chrétiennes, pouvoir faire une démarche pour aller jusqu’au fond et recevoir de Dieu, au plus profond et comme nous sommes, le pardon avec l’acceptation et l’amour. »

« Les églises devraient peut-être proposer des entretiens personnels d’accompagnement pastoral … Poussez la porte et on vous ouvrira ! »

« Les mots-sparadrap ne conviennent pas. »

« Jung dit qu’il faut porter un regard neuf sur le christianisme ; il le souhaite et il l’appelle. Jung dit : le christianisme peut servir pour le futur. »

« Le monde d’aujourd’hui pose des problèmes anthropologiques majeurs … Si les églises pouvaient aider à les affronter et à trouver les réponses à ces questions, ce serait merveilleux ! Il y a du travail ! »

Conseils de lecture

La guérison psychologique . et notamment le chapitre reprenant la Conférence donnée en 1932 à la Conférence pastorale de Strasbourg, par Carl-Gustav JUNG - Editions Georg.

C.G. Jung, le divin dans l'homme. Lettres sur les religions choisies et présentées par Michel CAZENAVE - Editions Albin Michel

La douzième ânesse et autres histoires brèves pour rire et réfléchir. par Jean- Paul MORLEY - Editions Olivétan

Penser Dieu aujourd’hui, un regard protestant. par Jean-Paul MORLEY - Editions Olivétan