Sur les traces de Jung

Le propos

Nathalie Dominguez, présidente de la SFPA (Société Française de Psychologie Analytique), nous présente le parcours de formation au métier d’analyste jungien et ce que ce parcours lent et long implique pour la personne qui s’y engage.

Elle décrypte aussi la façon dont les plans individuels et collectifs s’articulent lors de cette formation.

Des phrases clés

« … Mon amour inconditionnel pour la radio et ses voix … Ces voix entendues dans la nuit ont ouvert des voies en moi dont j’ignorais la profondeur et les chemins vers lesquels elles allaient m’entrainer. J’ignorais à quel point une part de moi était altérée, c’est-à-dire avait soif de sens. »

« Un chemin de vie qui ne peut plus se parcourir sans être en péril, et des voies qui entrainent, qui happent l’être vers un tout autre parcours, rarement tranquille et absolument inconnu … Les prémisses viennent d’un organisateur inconscient qui guide et oriente l’être. C’est à la fois intime et universel, cela ne fait sens qu’à posteriori, lorsque l’on se retourne en soi pour considérer la cohérence du chemin parcouru. Cela ne peut être anticipé par la volonté, il s’agit de l’accomplissement d’un processus issu de l’inconscient. »

« La spécificité de la SFPA est d’être à la fois une association composée de professionnels, les analystes membres, et un organisme de formation pour les futurs analystes jungiens de France qui seront reliés à la communauté jungienne internationale … La SFPA est animée par une belle dynamique : elle forme, elle transmet, elle crée, elle héberge en ses locaux la médiathèque Carl Gustav Jung, la seule en France, qui abrite des trésors consultables sur place sous la guidance de Florent Serina, historien spécialiste de Jung. La SFPA est ouverte au public curieux de connaitre Jung tout simplement, ou désireux de se former pour devenir analyste jungien. »

« L’enjeu majeur du processus analytique est le démantèlement psychosomatique, la déliaison des organisateurs inconscients de l’âme, du corps et de l’esprit. On comprend mieux pourquoi tout analyste a d’abord connu l’expérience de l’analyse pour pouvoir se tenir aux côtés de ses analysants, en familiarité avec les étapes du processus, assez souvent labyrinthiques. »

« La formation s’appuie sur une transmission d’expérience qui a permis aux analystes de faire des allers-retours entre la pratique et la théorie, voire d’amender la théorie en fonction de l’expérience clinique. Il ne s’agit pas d’un enseignement universitaire dispensé par des professeurs qui pourraient avoir du mal à faire le chemin allant de la théorie vers la pratique – et pour cause …"

« L’institution formatrice devient le creuset de ces épreuves et suscite la projection de fantasmes d’ordre archaïque touchant le collectif. Ces expériences génèrent de l’ambivalence vis-à-vis du collectif des pairs qui ne peut pas toujours recevoir de la gratitude. C’est un défi que de continuer d’y faire vivre le désir de penser ensemble, d’aimer ensemble. C’est un défi personnel et un défi d’humanité car les sentiments mobilisés dans un groupe de pairs endogame tangentent la férocité voire la haine parfois, sur plusieurs générations ! Le défi est là : se laisser traverser par ces expériences de sentiments sans en être glacé ou incandescent, et tenter de leur donner du sens. Un défi pour chaque individu au sein d’un collectif mais absolument nécessaire pour la vie de la cité."

« Au sein de cette matrice groupale, la dynamique d’un projet de développement agit à l’insu de la conscience des membres du groupe, plus ou moins selon les perceptions des uns et des autres. Le Soi groupal désignera cette dynamique, cet organisateur inconscient du groupe qui tend vers un but inconnu. De même qu’avec le Soi individuel, ce n’est pas le mental qui est le vecteur de la relation mais plutôt la perception, cette alliance de l’intuition et de la sensation, qui permet de nommer ce qui est et d’où ça vient et va, et … l’on ne perçoit bien qu’avec l’ouverture du cœur … N’est-ce pas ? »

« L’analyste en devenir est aussi un citoyen et un acteur politique. Le travail d’épure de son humanité est une œuvre nécessaire pour la collectivité. «
« C’est une longue épure que de devenir soi-même, et cela ne se fait pas seul ! »

Conseils de lecture

Cahiers jungiens de psychanalyse Conditions de l’analyse n°87, Question de cadre n° 142.

Jung, l’expérience intérieure par Michel Cazenave – Editions Du Rocher

Dialectique du Moi et de l’Inconscient par C.G Jung - Editions Folio

La dimension d’aimer par Elie Humbert – Editions Cahiers jungiens de psychanalyse

Le jour où Dieu naitra par Sylvain Grout – Editions Vérone

Psychanalyse et imaginal par Pierre Solié – Editions Imago

Jung en France, rencontres, passions et controverses par Florent Serina – Editions Belles Lettres