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A l’origine est le Féminin

Invité : Mariette MIGNET

2023/05 - Mai

Le propos

Mariette Mignet, psychanalyste, psychologue clinicienne et docteure en psychologie et de recherche en psychanalyse, nous présente l’approche jungienne du Féminin.

Freud parlait de la féminité comme d’un « continent noir ». Avec Jung, le féminin est l’originaire, la matrice, l’origine archaïque. Comment, à partir d’elle, l’être humain - fille ou garçon – se construit-il, se construit-elle ? Comment s’opère la différenciation des genres et celle d’êtres humains plus conscients d’eux-mêmes ?

Des phrases clés

« J’ai découvert Jung à 38 ans et par Ma vie, Souvenirs, rêves et pensées ; beaucoup commencent par là … Une amie connaissant la SFPA m’a orientée par là. »

« Je me suis présentée devant cinq didacticiens de la SFPA : Pierre SOLIÉ, Geneviève GUY-GILLET, Roland CAHEN, Gilbert MASSE, Hélène WIART-TEBOUL. Tous ont disparu aujourd’hui ; je leur dois beaucoup. »

« La dialectique ACTIVITÉ/PASSIVITÉ : « nos ancêtres psy » étaient comme les hommes de leur époque. Ils avaient imaginé la femme passive dans sa sexualité, l’homme ayant l’apanage de l’action, le mouvement vers, la femme qui s’ouvre à lui. Bien entendu, passivité et activité sont partagées par les deux, homme et femme, et de manière différente … Activité/Passivité … si l’homme ne connaît pas la douceur que lui confère, justement, la fermeté, alors il est rigide et violent. »

« Est-ce que la fille désire le pénis, objet symbolique du Phallus, qui représente la puissance virile ? La question est plutôt : qu’est-ce que désire une fille quand elle désire le pénis de son frère ou du petit copain ? Seraient-ce les privilèges que donnent ses parents à ce frère ? … au fond, le symbole … »

« Mon travail concerne principalement l’aspect psychique de la vie. »

« un DOCTORAT en psychologie et psychanalyse : FREUD et JUNG se sont enrichis mutuellement, leur correspondance en témoigne … ma motivation pour mon doctorat ? Le plaisir de savoir, la jouissance d’apprendre, le plaisir d’étudier avec d’autres, de confronter les idées. J’ai eu la chance de me trouver à l’université Paris VII où l’ouverture entre les différentes pensées est possible … elle est souhaitée … Ma Pensée Introvertie est active mais elle ne s’extériorise pas facilement, pas suffisamment … nous avons besoin des autres pour penser … J’ai rencontré sur ma route des gens très intéressés par Jung qui m’ont donné l’espace pour produire des recherches sur son œuvre à l’EHESS ; j’y ai fait tout d’abord une maitrise. »

« Lire Jung n’est pas une affaire simple. La tendance générale consiste à le lire partiellement, voire ponctuellement en allant vers les textes qui font plaisir … on obtient alors une connaissance partielle de la pensée de Jung. »

« J’ai choisi d’écrire mon ouvrage dans le respect de la chronologie des écrits de Jung, ce qui permet de suivre sa pensée dans le temps, pensée qui a évolué depuis ses écrits psychiatriques « Psychogénèse des maladies mentales » en 1912 qu’il reprendra sur la schizophrénie en 1958 et jusqu’à son « Essai d’exploration de l’inconscient » en 1961, peu de temps avant sa mort. »

« Travailler la pensée de Jung à l’intérieur de l’université en France est, bien sûr, un défi … malgré certains doutes manifestés par quelques participants à mes jurys – concernant par exemple la validité de la notion d’archétype ou la compréhension du Soi en termes jungiens – je n’ai reçu que des retours favorables et des échanges enrichissants … Cela m’a apporté l’approfondissement et l’exigence de me faire comprendre à l’intérieur, à l’université … Ma directrice de thèse, Sophie de MIJOLLA-MELLOR, qui a eu l’ouverture pour me recevoir, a créé l’AIIP (Association Internationale d’Intégration en Psychanalyse) ; elle aime faire échanger les personnes de points de vue différents ; pour elle, la psychanalyse est plurielle, je suis d’accord. »

« DIFFÉRENCIATION/ CIRCULATION/RELATIONS INTERACTIVES »

« L’ANIMA est le féminin psychique de l’homme, contenu complexe dans lequel s’emboîte, plus ou moins harmonieusement, et de manière plus ou moins intégrée, les différents plans de ce qu’est le féminin pour un homme (sa première relation à sa mère et l’image qu’il en a faite dans sa psyché ; les représentations que son père ou le substitut de celui-ci lui en a communiqué ; ses premiers contacts avec les filles et les femmes de sa vie ; enfin, celle qu'il désirera rencontrer et qui en est peut-être la synthèse ; ou une femme tout à fait différente qui viendrait solutionner toutes les négativités acquises, une princesse, un rêve en quelque sorte) ; nous avons à faire à la COMPLEXITÉ D’UNE IMAGE COMPOSITE faite de sentiments, de sensations, d’images, de désirs … »

« Pour moi, il est quasiment impossible de dire SON Anima, SON Animus. »

« Pour la femme, sa réalisation, sa vie de femme aura la même complexité, qu’elle devra travailler pour devenir elle-même. Va-t-elle être, en tant que femme, comme sa mère ? comme son institutrice ou sa meilleure amie ? ou sa grand-mère ? ou toute autre ? ou une synthèse ? Va-t-elle se construire contre les modèles qu’on lui aura donnés ? ... L’ANIMUS va synthétiser tous les masculins dans le psychisme de la femme : images, représentations, expériences que la femme aura faites de l’homme, des hommes … qui se forment en masculin psychique dans la femme ... Jung disait que l’Anima était plurielle et l’Animus assez unique pour la femme ; je ne suis pas du tout d’accord. Je crois que l’Animus est aussi, pluriel. La femme a plusieurs images de l’homme en elle … nous n’allons pas demander à l’homme de tout comprendre de la femme. »

« ANIMUS et ANIMA, les deux, ont une fonction de relation entre le conscient et l’inconscient, une circulation de soi à soi … Cette image de l’Autre circule entre notre psychisme et notre conscience. Ils sont avant tout des acteurs de la relation intérieure et, ensuite, de la relation extérieure avec l’Autre … Mais l’ANIMA est fonction de « sentiment » : à travers elle, l’homme trouve son affection, sa douceur, sa capacité d’Eros, sa projection aimante, sa manière d’être en société … L’ANIMUS est fonction de « logos » : à travers lui, la femme trouve sa parole, une parole féminine qui n’aurait pas besoin d’imiter les hommes pour se faire entendre dans le monde. »

« Avec ANIMUS et ANIMA, nous sommes donc devant une complexité de l’identité individuelle mais aussi une complexité de la relation. »

« Dans la relation entre deux personnes (et nous pouvons le voir dans le transfert analytique), nous pouvons voir au moins 10 niveaux qui s’entrecroisent et se fusionnent ou se mettent en miroir ou se différencient : l’homme et les différents aspects de son Anima ; la femme et ceux de son Animus ; de l’homme à la femme ; de la femme à l’homme ; de l’Animus vers l’Anima ; de l’Anima vers l’Animus ; de l’homme vers l’Animus de sa compagne ; de la femme vers l’Anima de sa compagne …"

« Le processus de la différenciation sexuée est d’abord une question d’identité, donc d’individualisation. »

« L’INDIVIDUATION se réalise après que la personne s’est individualisée, est devenue un individu qui peut alors et désire donner une part de sa vie au monde. S’individuer, c’est être capable de se donner dans le monde quand on commence à savoir qui l’on est. S’individuer, c’est participer à l’humanisation. »

« L’IDENTITÉ SEXUELLE : on ne naît pas femme, et on ne naît pas homme non plus. FREUD a centré la conscience de la différence sur un concept, la relation œdipienne (l’enfant prend conscience que ses deux parents sont différents et s’identifie à celui qui lui ressemble le plus du point de vue du sexe). Du point de vue JUNGIEN, nous parlons d’une capacité à être en relation à trois avec, pour projet, que l’enfant trouve sa propre identité et construise sa conscience de la différence des sexes. »

« C’est vers 2 ans ½ - 3 ans que se joue l’affaire de l’identité. »

« Sauf exception, le sexe du nouveau-né est marqué nettement : à la naissance on dit « c’est une fille ! » ou on dit « c’est un garçon ! »

« Naître garçon ou fille ne suffit pas pour devenir garçon ou fille. Il faut un processus, une mise en place – que l’on appelle « identification » - à travers la relation aux adultes, d’un repérage des différents niveaux. »

« LA PHYSIOLOGIE RÉCLAME UN TRAVAIL DE LA PSYCHÉ POUR ARRIVER À UNE UNITÉ DE LA PERSONNE. »

« Le grand intérêt de la perspective jungienne est d’envisager la place du masculin dans la psyché d’une fille et la place du féminin dans la psyché d’un garçon. »

« L’enfant pose des questions, cherche à savoir qui il est ; si les parents sont dans le doute, si l’adulte introduit du doute dans la question de l’enfant, l’enfant va se mettre à douter de qui il est … Il faut écouter la question de l’enfant et de na pas y mettre un doute. »

« Pour moi, il doit y avoir un respect inaliénable du donné physique, lequel est l’aboutissement d’un long processus qui va de la fécondation à la naissance … les gamètes ne sont pas d’avance différenciées … et après la naissance, une dialectique s’installe avec l’environnement pour la construction psychique. »

« JUNG repère quatre plans dans le féminin :
• l’aspect fécondant, la terre, la femme est seulement la mère et ne représente rien d’autre que ce qui doit être fécondé (ÈVE)
• la séduction, l’érotique à prédominance sexuelle mais aussi esthétique et romantique (LA BELLE HÉLÈNE)
• la recherche de l’amour plus élevé que l’Eros charnel, le sentiment (MARIE)
• la capacité à la sagesse, la part féminine de Dieu, part que -selon Jung- Dieu a dénié à JOB (SOPHIA) »

« Depuis un siècle, les femmes ont fait un très grand travail pour dépasser ces différents plans qui correspondent à un ordre vu par des hommes et pour eux. Elles ont exigé d’être reconnues. Il me semble que nous assistons à un gros travail d’actualisation psychique pour un cinquième plan du féminin qui serait un plan de circulation entre ces quatre plans : pouvoir être mère, être aimée, sentimentalement, trouver sa place dans le monde … et non pas être à la place assignée par les hommes, non pas être comme les hommes veulent la femme … Ceci ne va pas sans lutte avec les hommes que nous devons absolument « mettre dans le coup », avec lesquels nous devons sans cesse dialoguer … Se préoccupe-t-on assez de la condition des hommes (la mine, la guerre) … Les hommes aussi ont leur assignation. »

« J’aimerais beaucoup entendre d’avantage les hommes à propos des féminicides, qu’ils soient plus actifs, plus entreprenants sur cet horrible sujet. Ce seraient des associations de santé publique faites par les hommes. »

« On ne voit pas les violeurs en psychanalyse ; le passage à l’acte est leur principale motivation. »


Conseils de lecture

Le Féminin, problème ou devenir ? Une autre approche en psychanalyse avec C.G.Jung par Mariette MIGNET - Editions Presses Universitaires du Midi

Le plaisir de penser par Sophie de MIJOLLA- MELLOR - Editions Presses Universitaires de France

Baraye, chanson de Shervin Hajipour composée après la mort de Mahsa Amini à Téhéran le 16 septembre 2022

Un divan pour Agatha Christie par Sophie de MIJOLLA - MELLOR - Editions Le Bouscat, L'esprit du temps

La mort donnée, Essai de psychanalyse sur le meurtre et la guerre par Sophie de MIJOLLA - MELLOR - Editions Presses Universitaires de France